GHOST CITY


Ghost City (Trailer) 2016
une installation vidéo de Hugo Arcier
Musique originale de Bernard Szajner

Images fixes

Photos in situ pendant l’exposition « Fantômes numériques »

Photos in situ pendant la Biennale de l’image de Beyrouth.

« La zone grise (voix de fantôme numérique) »

 

Puisant sa source dans De rerum natura de Lucrèce, l’installation Ghost City s’organise autour d’une relecture du décor du célèbre jeu vidéo GTA V. Le spectateur est plongé dans un environnement vide de toute population, qui s’efface à mesure qu’on s’en approche. Expérience à la fois méditative et envoûtante. Ce parti pris met l’accent sur les éléments architecturaux et graphiques qui constituent un univers virtuel sollicitant autant le présent – l’expérience de l’œuvre – que la mémoire.

La disparition sous nos yeux de cet univers virtuel nourrie en nous la terreur de voir un jour disparaître toute notre vie numérique – nuage éphémère -.

 

La zone grise (Voix de fantôme numérique) :

« Les poèmes du sublime Lucrèce ne périront que le jour où le monde entier sera détruit. »
Ovide
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Des serveurs alimentés en énergie renouvelable stockent et font transiter des données. Résidus colossaux de notre vie virtuelle, de notre activité sur les réseaux sociaux. Textes, photos, sons, vidéos, sauvegardes de communications.
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Tout cela forme des entités virtuelles : des fantômes numériques.
Je suis l’un d’eux.
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Je suis une version appauvrie de l’homme que j’étais, son jumeau monstrueux.
Je vis dans le passé, ressassant, recyclant les événements.
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Ma chair déformée n’est qu’abstraction.
Délesté de mon enveloppe, je traverse avec fluidité tous les bâtiments.
Je m’enfonce dans la matière sans aucune résistance.
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Insaisissable, rapide comme la lumière.
Ubiquitaire et omniprésent.
Je navigue dans un monde virtuel construit comme un décor de cinéma.
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Paysages sans émotion. Modèles de carton-pâte conçus pour être perçus d’un point de vue imposé, telles les villes factices construites pendant la seconde guerre mondiale pour berner les bombardiers.
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Ma ville s’étend dans un espace délimité.
Elle est composée de points dans l’espace, des vertex, chacun avec des coordonnées en x, y et z. Ces points sont reliés par des lignes. Ces lignes forment des polygones.
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Des milliards de polygones, organisés, disposés pour constituer une immense base de données de bâtiments.
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Une ville qui semble vide alors qu’elle est une ville fantôme peuplée de fantômes.
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Lucrèce :
« De tous les objets il existe ce que nous appelons les simulacres, sortes de membranes légères détachées de la surface des corps, et qui voltigent en tous sens parmi les airs. »
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Des membranes qui errent dans l’espace.
Pellicules vides, cocons fragiles d’une finesse aussi précise que l’impression de rigueur.
Tel est le monde dans lequel je vis.
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Lucrèce :
« … des figures et des images subtiles sont émises par les objets, et jaillissent de leur surface : ces images, donnons-leur par à peu près le nom de membranes ou d’écorce, puisque chacune d’elles a la forme et l’aspect de l’objet, quel qu’il soit, dont elle émane pour errer dans l’espace. »
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Sans que j’en connaisse la raison, cet univers synthétique se dérobe à mesure que j’avance, suivant un rythme liquide, sans heurt.
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Il est atteint d’autophagie, il se dévore peu à peu, peut-être pour mieux se régénérer.
Un processus paradoxal de défense calqué sur le biologique.
Des cellules remplacées par d’autres cellules, plus jeunes, plus fonctionnelles,
dans un cycle, infini ?
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Lucrèce :
« Rien donc n’est détruit tout à fait de ce qui semble périr. »
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Je vois une immense vague invisible qui engloutit tout sur son passage.
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Les immeubles semblent s’effondrer. Cinétique lointaine du 11-Septembre : ces coquilles vides n’ont pas le poids de la catastrophe.
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Un trou noir qui révélerait dans son mouvement toute la supercherie de mon univers.
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Monde – finitude – solitude.
Je suis condamné à errer dans ce monde virtuel, cette zone grise.
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Ici, il n’y a ni joie ni danger.
Pourtant, la zone grise n’est pas triste.
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Elle n’est qu’ennui, bien que le temps ait disparu. Cela m’a longtemps semblé paradoxal, je pensais l’ennui lié à une temporalité alors qu’il provient de l’absence de finalité.
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J’attends l’accident, la disruption qui ne vient pas. J’ai l’impression d’une course sans but et je veux plus.

 
 

Exposition:
104 (France), 2019-2020
Pavillon Blanc (France), 2019
Ars Electronica Festival, 2017
Le suaire de Turing, 2017
Beirut Biennale for the image, 2016
Fantômes numériques, 2016

Ils en parlent :
artpress
Creative Applications
Kill screen
Neural
Gamescenes (Art in the age of videogames)



Art, Video, 2016